Extraits de Ma fidélité
de Chapour Bakhtiar
Il peut sembler, à évoquer ces souvenirs, que nous sommes loin de l'Iran et de ses problèmes actuels. Le croire serait accepter l'existence, dans la géopolitique du globe, de systèmes clos, d'univers parallèles ne se rencontrant jamais. Mais l'Iran n'est pas le bout du monde. Dans son Livre des Merveilles, Marco Polo révélait à ses contemporains les mœurs très bizarres de ce pays exotique agrégé à la mystérieuse Tartarie. Il n'y a plus de bout du monde. Le pays d'où je viens est lié au destin des nations occidentales et c'est, non seulement en nourrissant ma jeunesse de culture française mais aussi en prenant part aux combats du pays qui m'accueillait, que je me suis formé.
A mon retour en Iran, en 1946, je serai reçu par Sa Majesté Mohammad Reza Pahlavi — une audience qui ne se renouvellera pas de sitôt, comme on l'a vu — dans sa résidence privée. Je le revois, au milieu de sa bibliothèque, appuyé à une grande table.
— Vous avez passé plusieurs années en France. Qu'avez-vous étudié ?
Je lui dis ce qu'avaient été mes études, quels diplômes je rapportais.
— J'ai appris que vous aviez combattu dans l'Armée française ?
— Oui, Sire. La France est le pays où mes ressources intellectuelles se sont développées. Quand le feu s'y est mis, j'ai fait ce qu'on fait pour un voisin en cas d'incendie.
Le Chah approuva à plusieurs reprises :
« Très bien, très bien », puis il conclut:
Vous pourrez lui être utile, grâce à vos études et parce que vous êtes un homme de combat.